L’AÉQJ se passionne pour la littérature jeunesse d’ici et pour ses membres, créateurs littéraires essentiels au développement, à l’apprentissage et au mieux-être de nos jeunes. La rubrique Auteur chouchou se veut un contact privilégié avec eux.

Découvrez donc l’auteur Hervé Desbois…

 

Quand vous étiez enfant, lisiez-vous beaucoup ? Que lisiez-vous ?

Oui je lisais beaucoup. Je suis Français d’origine et nous avions les collections Bibliothèque rose et Bibliothèque verte. Alors que j’avais sept ou huit ans, je dévorais les premiers car ils contaient les aventures de plusieurs amies et amis, Le club des cinq. Je me plongeais dans leur univers au point d’en faire partie, d’une certaine façon. Et ce point de vue m’est resté en tant qu’auteur. Lorsque j’écris une histoire, je vis totalement avec mes personnages.

J’avais comme autres lectures des bandes dessinées, tels Tintin, Astérix, Achille Talon et d’autres encore. Un peu plus vieux, je lisais toutes sortes de romans, surtout des aventures en montagnes, ça me passionnait.

 

Avez-vous toujours rêvé de devenir auteur ou votre venue à l’écriture jeunesse est un hasard de la vie ?

Enfant, adolescent et même adulte, je n’ai jamais pensé écrire pour être publié. Comme je l’ai déjà mentionné, ce genre de profession n’était pas encouragé. Il a fallu qu’une amie me dise que j’avais du talent pour que je me mette vraiment à écrire. Je suis arrivé à l’écriture jeunesse grâce à un éditeur avec lequel j’avais travaillé sur d’autres projets. Il m’a proposé de créer des aventures pour enfants. J’ai donc relevé le défi et j’ai publié trois récits avec illustrations pour jeune public.

 

À quel moment, dans votre vie, avez-vous commencé à écrire ?

Cela peut paraître anecdotique, mais alors que j’avais 7 ou 8 ans, ma maîtresse d’école m’avait complimenté devant toute la classe pour une de mes rédactions, la qualifiant de poétique. Plus tard, à l’âge de 11 ans, j’ai rédigé ma première véritable histoire, une aventure qui se déroulait dans les Alpes. Par la suite, j’ai écrit beaucoup de poèmes qui sont demeurés lettre morte dans mes archives.

La littérature en tant que métier n’étant pas encouragé « dans mon temps », que ce soit par mes parents ou mes professeurs qui me voyaient ingénieur ou médecin, je n’ai pas vraiment cherché à approfondir mon talent qui resta donc latent. Ce n’est que vers l’âge de 40 ans que je réalisai mon potentiel lorsqu’une dénommée France D’Amour, ayant lu un de mes poèmes, m’avait dit : « Il y a du talent qui se perd ! ».

En 1999, je publiais ma première nouvelle chez XYZ, la nouvelle. Cette même année Bruno Pelletier enregistra sur son album D’autres rives, une chanson dont j’avais écrit les paroles : Sans la couleur sang. Ce fut le début de ma véritable carrière d’auteur. Comme quoi il n’est jamais trop tard !

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ?

La passion des mots ! J’ai toujours adoré jouer avec les mots, trouver la bonne tournure de phrase, la plus belle métaphore, l’euphonie la plus intéressante, le jeu de mots le plus drôle, le plus inattendu. Je me suis donc découvert une facilité à raconter des histoires, d’abord des nouvelles, parfois très courtes pour satisfaire aux besoins éditoriaux, puis des récits plus longs, tout en continuant à écrire des chansons pour des interprètes connus et moins connus.

 

Quels auteurs aimiez-vous ? Et maintenant, que lisez-vous ?

Impossible de les nommer tous ! Ellory, Atwood, Clavel, Folco, Musso, Levy, Follett, Bourguignon, mais aussi les Camus, Sagan, Colette, Dumas, Hugo, Voltaire, etc.

 

Où puisez-vous votre inspiration ?

N’importe où. Dans la rue, en observant les gens, en lisant un livre, en visionnant une émission, en écoutant de la musique…

 

Dans quel état êtes-vous quand vous écrivez ? Fatigué, exalté, impatient, etc.

Ça n’a pas beaucoup d’importance. Mes états d’âme sont variables. Je peux être exalté, ennuyé, facétieux…

 

Procrastinez-vous souvent quand vient le temps d’écrire ?

Non, dès que j’ai une idée je me mets à écrire. Seul le manque d’inspiration peut me freiner dans un récit. Je cherche alors les moyens de me sortir de cet embarras.

 

Avez-vous besoin d’une ambiance de travail, d’un lieu ou d’un rituel d’écriture pour vous plonger dans l’écriture ?

Non, aucun rituel. Je peux créer autant dans un environnement bruyant que silencieux, animé ou calme. J’ai une grande faculté de concentration et lorsque je suis « parti », je navigue dans ma bulle.

 

Éprouvez-vous des difficultés au moment de l’écriture ? Comme le syndrome de la page blanche ?

Cela peut arriver. J’ai actuellement plusieurs ébauches de romans dans des genres différents et plusieurs restent en rade, faute d’orientation claire ou d’inspiration.

 

Lorsque vous êtes en travail d’écriture, lisez-vous d’autres auteurs du même genre ?

Pas nécessairement. Je lis surtout de la littérature adulte. Cela dit, de telles lectures peuvent être source d’inspiration pour ma série Insolite.

 

Avez-vous des thématiques préférées ou des obsessions liées à l’écriture ?

Non, j’aime écrire dans différents styles. Le « jeunesse » me passionne, surtout le mystère et le paranormal, mais le genre « adulte/urbain » ou les dystopies m’interpellent également.

 

Faites-vous lire votre texte pendant la période d’écriture ? À quel moment ?

Surtout pas ! Seul mon éditeur a le droit de lire mes manuscrits, mais une fois que je me sens prêt à les partager. Autrement dit après de nombreuses relectures.

 

Vous arrive-t-il de vous relire et de trouver votre texte mauvais ?

Je ne suis peut-être pas aussi critique envers moi ! Mais l’écriture est un travail de réécriture et les premiers jets restent rarement sous leur forme originale. D’autant plus qu’il m’arrive d’écrire certaines phrases, voire des paragraphes entiers, en sachant très bien que ce n’est pas exactement ce que je veux transmettre, mais que le principal est de coucher l’idée maîtresse sur le papier. C’est là que relectures et réécritures prennent toute leur importance.

 

Y a-t-il des manuscrits qui dorment dans vos tiroirs ? Pourquoi ?

Oh oui ! Plusieurs ! Tout simplement parce qu’ils n’ont pas trouvé preneur et que le sujet n’est plus d’actualité ou ne m’inspire plus. Il faut que j’aie la flamme lorsque je relis de tels manuscrits. Si je les trouve mal écrits, mais que le thème m’intéresse encore, alors je préfère réécrire de zéro.

 

L’éditeur demande-t-il souvent des modifications à l’auteur ?

Cela dépend de chacun. Mis à part les corrections grammaticales, orthographiques et syntaxiques, l’éditeur peut demander des modifications à notre histoire pour la rendre plus crédible, plus fluide, plus intrigante, etc. Les raisons peuvent être multiples. Ce n’est pas toujours facile à accepter (c’est notre bébé après tout !), mais l’essentiel est de se dire que c’est pour amener le projet à un plus haut niveau d’excellence. La publication d’un livre n’est pas que l’affaire d’un auteur. Une fois le roman accepté par l’éditeur cela devient un travail d’équipe.

 

Acceptez-vous de retravailler votre texte à la demande d’un éditeur ?

Absolument ! Et je pense que c’est un must. L’éditeur est le troisième œil, celui du lecteur potentiel, le premier à parcourir mon récit. Je dirais que j’accepte la plus grande partie des corrections et ajustements proposés. Si l’auteur doit avoir confiance en sa plume, il doit également avoir confiance en son éditeur et être capable de considérer ses demandes avec un regard objectif, dénué de toute émotivité.

 

Quel est l’aspect qui vous semble le plus important à travailler dans un texte ?

En premier, la trame de l’histoire. En ce qui me concerne c’est une évidence. La qualité du français est alors secondaire. Il faut que tout se tienne et soit fluide. Ensuite c’est la façon de la raconter, le choix des mots, le style, les métaphores, les dialogues.

 

Comment êtes-vous entré en contact avec l’éditeur ?

La façon dont j’ai connu mon éditeur actuel est plutôt cocasse. Je me trouvais dans un Renaud-Bray à Laval pour une séance de dédicace pour mes livres pour enfants. J’étais un peu perdu au milieu de cette vaste librairie quand j’ai vu une jeune fille d’environ huit ans se précipiter vers ma table. Elle s’est emparée d’un livre et a commencé à le feuilleter. Sa mère est arrivée quelques instants plus tard. En discutant avec elle, elle m’apprend qu’elle est elle-même éditrice pour les Éditions de Mortagne. Je lui parle alors d’un manuscrit dont j’ai récemment terminé l’écriture (et qui a déjà été refusé par plusieurs éditeurs). Elle me donne alors ses coordonnées et me demande de lui envoyer mon manuscrit par courriel. Ce que je me suis empressé de faire le soir même. À peine deux semaines plus tard, je reçois un appel téléphonique des Éditions de Mortagne. Ils étaient curieux de savoir si j’avais déjà signé un contrat d’édition car mon manuscrit les intéressait au plus haut point. C’est ainsi que La vie entre parenthèses, mon premier roman adulte, est sorti en 2009. Le plus cocasse est que cette dame que j’ai rencontrée à la librairie habitait la rive sud et n’était que de passage à Laval…

 

Comment votre livre a-t-il été commenté au moment de sa sortie et ensuite ? Avez-vous été étonné de cette réception ? Content ? Déçu, etc. ?

J’ai reçu d’excellentes critiques pour mon roman La vie entre parenthèses. C’est toujours une fierté et un plaisir de recevoir de tels commentaires. Mais c’est surtout le sentiment du devoir accompli qui m’habite lorsque je les lis ou qu’on me les donne de vive voix. Quand un jeune (ou un moins jeune !) s’arrête à ma table dans un Salon pour me dire qu’il ou elle a adoré, je suis comblé ! C’est la plus belle paye qu’un artiste peut recevoir.

 

Quels rapports entretenez-vous avec vos éditeurs (strictement professionnel, amicaux) ?

L’ambiance est très amicale chez De Mortagne. C’est une équipe de filles allumées qui sont à la fois très professionnelles et très cordiales envers leurs auteur.e.s. Elles sont respectueuses de notre travail et leur accompagnement ne vise qu’à parfaire nos œuvres. Et bien sûr elles ont du flair !

 

Vous arrive-t-il d’accepter de réaliser un livre sur commande ?

Ça m’est déjà arrivé avec une autre maison d’édition. Plusieurs, même. Cela s’est également produit pour quelques textes de chansons. C’est un défi tout à fait stimulant que j’ai chaque fois relevé avec plaisir. L’un d’eux m’a donné une grande fierté. Il s’agissait d’un ouvrage sur les peintres Impressionnistes sur lequel j’ai énormément travaillé. Un jour, j’ai appris par hasard que mon livre était cité en référence avec deux autres dans un des programmes de l’université de la Sorbonne à Paris. Comme un petit velours…

 

Si j’envoie un manuscrit chez un éditeur et que je n’ai jamais publié, à quoi dois-je m’attendre ? Combien de temps cela prendra-t-il avant d’obtenir une réponse ?

Ce n’est pas une règle écrite, et encore moins absolue, mais selon mon expérience l’auteur aura une réponse rapide si le manuscrit a plu. Sinon on reçoit une lettre de refus très poli environ quatre à six mois plus tard.

 

Vous a-t-on déjà refusé un manuscrit ?

Oh ! Mais de nombreuses fois ! Et la pire chose à faire est de ne pas persévérer. Il faut cependant se poser quelques questions, surtout si les lettres de refus sont accompagnées de commentaires. Lorsque cela se produit il faut en tenir compte et examiner son projet pour voir comment l’améliorer compte tenu des commentaires reçus. Il faut aussi considérer les éditeurs auxquels on a fait parvenir son manuscrit. Est-ce qu’on les a bien choisis selon le genre d’histoire qu’on a écrit ?

 

Y a-t-il un âge pour publier son premier roman ?

Certainement pas ! Et si j’avais été encouragé dès le début j’aurais probablement été publié plus tôt et j’aurai donc écrit beaucoup plus de livres.

 

Est-ce vous qui choisissez la couverture de votre livre ?

Oui, mais toujours en collaboration avec l’éditeur. En fait, mon éditeur, et peut-être la plupart des éditeurs, aime que l’auteur s’implique dans ce choix. Ce livre est notre bébé. Alors c’est à nous de l’habiller comme on l’entend !

 

Est-ce toujours vous qui choisissez le titre de vos histoires ?

C’est un peu la même chose que pour la couverture. Il s’agit d’un travail d’équipe. En ce qui me concerne, le plus souvent je choisis le titre de mes romans. Si l’éditeur n’aime pas ou trouve quelque chose à redire alors je propose autre chose. Puisque je suis l’auteur de l’histoire je m’estime le mieux placé pour la nommer. Ce que l’éditeur dit ensuite est d’un point de vue éditorial et c’est important d’en tenir compte.

 

À ce jour, combien avez-vous écrit d’ouvrages ?

J’ai écrit dix-huit livres tous genres confondus et plus de trente textes de chansons enregistrées. J’ai également participé à l’écriture de deux scénarios de longs métrages.

 

Pouvez-vous vivre de votre travail d’écrivain ?

Pas encore mais j’y compte bien ! J’ai une deuxième passion : le cinéma et la télévision. Je suis également comédien. J’ai débuté en même temps que ma carrière d’auteur.

 

Que répondez-vous à ceux qui pensent que la littérature jeunesse est inférieure à celle destinée aux adultes ?

Qu’ils lisent Insolite et je les mets au défi de me le dire droit dans les yeux ! Mes romans jeunesse s’adressent à un public de tous âges. J’ai des lectrices et des lecteurs dans la vingtaine, trentaine, quarantaine et même plus vieux. Une dame de 74 ans m’a acheté les deux premiers tomes. Mes intrigues sont complexes et plusieurs adultes m’ont avoué avoir dû chercher certains mots dans le dictionnaire car je ne me censure pas dans le choix de mon vocabulaire. Un mot est un mot et s’il exprime ma pensée, alors c’est le bon. Et aux détracteurs des romans jeunesse je dirais également que ce genre de littérature est même plus délicat et exigeant que l’écriture « adulte ». On ne peut pas écrire n’importe quoi n’importe comment.

 

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut écrire et publier pour la jeunesse ?

De ne pas avoir peur des mots ! Je pense qu’on a peut-être tendance à sous-estimer les jeunes lecteurs. Tous celles et ceux que je rencontre dans les Salons sont allumés, intéressants et intéressés. Personnellement je ne les considère pas comme des lecteurs de seconde zone.

 

Avez-vous participé à des concours littéraires ? Avez-vous gagné des prix ? Lesquels ?

J’ai été lauréat du prix Victor-Martyn-Lynch-Staunton en 2015. Ce prix récompense plus la carrière en général qu’un livre en particulier. Alors je l’ai apprécié à sa juste valeur pour tout ce que j’avais créé !

 

Savez-vous si certains de vos écrits ont été intégrés dans des programmes de littérature du primaire ou du secondaire ?

Insolite – Le spectre du lacétait au programme en 6eannée dans quelques écoles et je pense que cela va s’accentuer car de plus en plus de professeurs découvrent la série Insoliteet disent beaucoup de bien de la qualité littéraire (et des intrigues !).

 

Certains de vos livres ont-ils été réédités ?

Oui, mais dans d’autres genres littéraires que la littérature jeunesse.

 

Êtes-vous sensible à la critique que l’on fait de vos écrits ?

C’est sûr que tout artiste, quel qu’il soit, est sensible aux critiques. Après tout, ce sont nos tripes que nous mettons dans nos œuvres. Cela dit, il faut être capable de prendre les critiques avec un grain de sel.

 

Avez-vous une opinion à propos des mauvaises critiques ?

Cela dépend de la teneur de la critique. Si elle n’apporte rien, sinon du cynisme ou du mépris, alors elle ne vaut rien. Dans un tel cas, je me rappelle toujours les paroles de la chanson de Charlebois quand il parle des critiques : « ce sont des ratés sympathiques ». Si la critique souligne des points sur lesquels je peux m’améliorer, et que, objectivement, je peux comprendre son bien-fondé, alors elle est valable.

 

À quoi correspond, selon vous, le rôle social de l’écrivain ?

Je crois que le rôle social de l’écrivain, et de tout artiste en général, est très important. Quand on est vu, lu, écouté, par des milliers de personnes, ce qu’on dit peut avoir un impact important sur ces gens. Les messages que l’on transmet à travers notre art ont selon moi une certaine influence sur la pensée et les opinions des lecteurs et auditeurs. À tout le moins les fait-on réfléchir. Pour prendre l’exemple des romans, quand, dans une situation critique, un de nos personnages prend une certaine décision pour résoudre un problème ou un autre, que ce soit une décision morale, immorale, amorale ou idiote, le lecteur va éventuellement s’identifier à ce personnage et accepter, rejeter, critiquer ladite décision. Les explications et/ou la suite de l’histoire peuvent donner au lecteur un autre éclairage sur les motivations ou les choix du personnage, des éléments que le lecteur n’aura peut-être pas envisagés.

Personnellement, lorsque je lis un roman et que je suis en mesure de m’identifier un tant soit peu à l’un des personnages, il m’arrive souvent de confronter mes propres valeurs à celles de ce personnage. De ce fait, je me permets de m’ouvrir l’esprit et de considérer d’autres réalités. Et au vu de nombreux témoignages et commentaires que j’ai reçus au cours de ma carrière, je peux dire sans me tromper que je fais réfléchir mes lecteurs !

 

Complétez à votre guise l’énoncé suivant : « L’écriture c’est… »

… un feu qui me consume du cœur jusqu’au bout des doigts.