Écrire, malgré tout
Il y a de cela quelques semaines, j’ai eu ce qu’on appelle une « journée de &?%$# ». Une journée poche. Tout le monde en a, n’est-ce pas ?
J’ai grillé un fusible. Pété un câble parce que je n’avais pas écrit une seule ligne ou retravaillé un manuscrit depuis une couple de mois.
Et pour une personne qui se définit notamment comme auteure, qui adore écrire et qui respire mieux quand elle crée, c’est plate de ne pas pouvoir le faire. C’est nul.
Comment écrire quand il y a tant à faire et que tant de choses nous déconcentrent ? Planifier et préparer les repas, pour nourrir sa famille de cinq personnes dont trois ados tout le temps affamés. Ça vient pas mal en priorité dans la pyramide des besoins, ça. Faire les courses. Faire le taxi pour les activités et la vie sociale des enfants (on habite en campagne, alors on assume).
Travailler, pour gagner sa vie, comme la plupart des gens.
Dormir.
Prendre des vacances (ça c’est super important !!). Voir les copines. Consacrer du temps à ses enfants. Consacrer du temps à son couple. Consacrer du temps à ses parents.
Faire du sport, super important ça aussi. Bouger est pour plusieurs un besoin élémentaire.
Toutes ces activités prennent du temps et ont été prioritaires à l’écriture ces derniers temps. Même si je place l’écriture en priorité, y’a toujours des priorités plus prioritaires.
Vous me comprenez, j’en suis certaine.
Vous, vous vivez ça comment ?
En plus, ces dernières semaines, c’était l’été. Et au Québec, l’été, le monde vire en mode hyperactif. L’épluchette de blé-d’inde de matante, le beach partydes copains, les festivals de musique tellement trippants, les enfants qui ne vont plus au camp de jour et qui ne travaillent pas encore (donc tout le temps à la maison), la canicule qui fait fondre le cerveau, les travaux nécessaires sur la maison, la municipalité qui fait exploser les rues de mon village pour passer les égouts (essaie-donc toi d’avoir de l’inspiration entre deux explosions de dynamite, le marteau-piqueur et les bruits de perceuses de chéri et ses amis qui refont la terrasse.)
Je ne me plains pas, personne n’est malade, tout mon monde pète le feu. Je constate, c’est tout. Et dernièrement, oui, j’ai constaté en pétant un câble, et heureusement chéri a été fort compréhensif.
Je DOIS écrire, malgré tout. Vous aussi, je le sais, car ça fait un bien fou !
On écrit parce qu’on a des histoires à raconter à notre belle jeunesse, on veut leur parler, les toucher, etc. On écrit parce qu’on est, et qu’on veut rester, des auteurs. Écrire des histoires, créer des livres, est pour nous une formidable façon d’entrer en contact avec les autres humains et de leur dire : « Vous n’êtes pas seuls ».
Pour plusieurs d’entre nous, ne pas pouvoir le faire, ne pas avoir le temps de le faire, est presque douloureux.
Alors on fait quoi, quand on manque de temps pour écrire ? Quand on n’a pas de contexte idéal pour se concentrer ? N’allez pas me répondre : « Mais tu dois PRENDRE le temps… » Désolée, mais y’a juste 24 heures dans une journée.
Pour ma part, après ma journée désastreuse, je me suis parlée. Et je me suis enlevée de la pression. J’ai respiré, et je me suis dit que, pour continuer à écrire, et surtout pour continuer à aimer ça, je dois considérer cette activité comme un hobby. Mettons un « hobby prioritaire ». Je m’offre ainsi la liberté de créer, et je réalise que ça n’a pas de prix. Cette prise de conscience m’a fait un bien fou.
Bien que je rêve parfois, comme vous tous d’ailleurs, qu’une riche tante me verse une rente viagère m’offrant ainsi la liberté entière de créer, le réalisme économique 101 me rattrape toujours : ça prend deux salaires pour faire vivre décemment une famille en 2019. Dans mon cas, du moins. Je ne peux pas demander à mon conjoint de pourvoir à mes besoins pendant que je fais décoller une hypothétique carrière d’auteur lucrative : il est entrepreneur, doit s’assurer de verser des salaires à une douzaine d’employés toutes les deux semaines, et n’a pas de sécurité d’emploi. Il est aussi mon admirateur numéro 1 et m’encourage du mieux qu’il ne peut.
Certes, il y a mille et une façons différentes de vivre notre vie d’auteur au Québec. À chacun de façonner la vie qui lui convient, en respectant ses valeurs, et en assumant ses rôles et responsabilités en tant qu’adulte.
Pour la détermination que vous avez tous, à trouver du temps dans vos vies pour vous asseoir et écrire, créer de bons livres d’ici, je vous admire. Je nous admire. Il ne faut pas lâcher. Il faut continuer à écrire, malgré tout.
L’automne s’en vient, avec sa routine bienfaitrice. Je vous le souhaite paisible et inspirant !
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