À bord de notre bateau inventé voyageront une chanteuse-ensorceleuse qui ignore son don, un joueur de basket richissime et généreux, le plus drôle et le plus attachant des bergers allemands, une nageuse qui a du cran en plus d’un bijou magique, une lectrice-exploratrice avec toute sa famille et une valise de livres, un voleur qui cherche la sagesse ou un trésor, il ne le sait pas encore, et un tigre blanc aux ailes bleues, à la fois très brave et très peureux, comme il arrive souvent.

Depuis quelques jours, derrière mes paupières, le bateau prend forme. Avec des gestes ronds et presque un sourire, il s’étire et se déploie.
Il fait sécher au soleil sa peinture toute neuve.
Le sportif richissime l’a fait repeindre en bleu parce qu’il déteste le blanc.

Grâce à son dôme de verre rétractable, et à un soupçon de magie, il a le pouvoir de se transformer en sous-marin. (Ça, c’est une idée du jeune Fednerson, que j’ai tout de suite adoptée.)
Le sous-marin fait le bonheur de la nageuse, qui n’aime pas plonger parmi les animaux marins, et du voleur, qui rêve d’épaves aux reflets d’or.

Avant de prendre la mer, le navire doit grandir et s’affirmer encore.
Il doit apprendre à parler.
Eh oui
! Notre bateau va gronder, murmurer, gémir, ronronner.
Il saura toutefois se taire pour écouter le chant de l’ensorceleuse, ou les jappements du chien perdu dans la cale.

La hampe de son drapeau est un arbre d’automne, aux branches courtes et dégarnies.
Mais ses racines plongent au cœur du navire, dans une salle mystérieuse qui bat et palpite doucement.
L’exploratrice sera très surprise de la découvrir, car, dans aucun de ses livres, elle n’a vu trace de semblable prodige.

Je ne sais pas encore quand le mât fleurira.
Le tigre me le dira.
Ou bien c’est le bateau qui choisira son moment.

Drôle de bateau, n’est-ce pas?
Mais on est inventé ou on ne l’est pas
!

Marthe