La St-Valentin approche. C’est l’occasion idéale de vous offrir un extrait commenté de mon roman jeunesse « Le voleur de cœur », qui aborde le thème de la monoparentalité, plus précisément le moment où la cellule familiale se recompose avec l’arrivée d’un nouveau conjoint. Très souvent, cette situation est mal vécue par l’enfant, qui doit s’adapter à la nouvelle vie qu’on lui impose. Mais la nouveauté apporte aussi son lot d’agréables surprises !

***

« Je suis roulé en boule dans mon lit. Je pleure, le visage enfoui dans mon oreiller. À travers mes sanglots, je reconnais les pas de mère, qui s’avance vers ma chambre. Elle cogne doucement à ma porte.

— Victor, je peux entrer ?

Pour quoi faire ? Un autre interminable sermon ? Pour me dire, une millième fois, que je n’ai pas été gentil ? Que je me suis conduit comme un petit diable ? Comment faire comprendre à maman que je ne peux plus supporter la présence d’Arnaud ? Va-t-il falloir que je sois encore plus détestable ?

Je suis fatigué de faire enrager ma mère et de la décevoir. Fatigué de mentir. Fatigué de jouer à la guerre.

— Victor ?

— Va-t’en.

Ma mère ne prend pas mon avertissement au sérieux et pousse la porte. Sans dire un mot, elle s’allonge près de moi. Je ne veux surtout pas qu’elle me touche, alors je me recule.

— Victor, je ne te reconnais plus. Qu’est-ce qui ne va pas ?

Pour toute réponse, je détourne mon regard du sien.

Elle met sa main dans mes cheveux et commence à les caresser. Peu à peu, je sens les muscles de mon corps se ramollir. Mes sanglots s’apaisent. Ma respiration est plus facile.

Maman me presse ensuite contre elle, et couvre mon front de petits baisers. Cette fois, je ne la repousse pas. La chaleur de son corps et l’odeur de sa peau me réconfortent. Dans ce silence, je peux même entendre nos cœurs battre.

— Mon chéri, mon beau Victor d’amour…

Sur ces mots, je me mets aussitôt à penser aux fois où elle appelle Arnaud son chéri. Tous mes muscles redeviennent tendus. Je sens le volcan à l’intérieur de moi s’animer.

— Arrête de m’appeler comme ça ! C’est Arnaud-la-tête-d’artichaut ton chéri.

— Ce n’est pas parce qu’Arnaud est aussi mon chéri que tu ne l’es plus, Victor. Vous avez tous les deux votre place dans mon cœur.

— Je n’ai pas envie de partager ma place dans ton cœur avec lui, tu comprends ? Je veux être le seul. Comme avant.

— Victor, tu veux que je te dise ?

— Quoi ?

— Peut-être que tu ne t’en es jamais aperçu, mais tu as toujours partagé ta place dans mon cœur avec d’autres personnes.

— Non, tu mens.

— Et si je te disais que, dans mon cœur, il y a mamie et papi ? Dans mon cœur, il y a ma petite sœur, Béatrice. Il y a Jordan et Sam, Laurence et Émilien, mes amis. Il y a Catherine, ma collègue de travail. Un cœur, c’est élastique. Tous ceux à qui on l’ouvre peuvent y trouver une place. Toi, Victor, tu y occupes la plus grande. Et cette place est à toi pour toujours. Parce que tu es mon fils, et que je t’aime plus que tout au monde. »

***

J’ai choisi cet extrait parce qu’il a été particulièrement difficile à écrire pour moi. Comment une maman — ou un papa — peut-elle expliquer à son enfant, dont le quotidien est chamboulé par « l’intrusion » de son nouvel amoureux, qu’elle l’aimera toujours comme avant ? Comment lui dire que personne ne peut lui ravir sa place, alors que dans les faits, il voit sa mère heureuse avec quelqu’un d’autre que lui ? Comment un parent peut-il expliquer toutes ces choses quand il est souvent lui-même submergé par les émotions, et que les mots restent coincés dans sa gorge ? Il n’est pas toujours aisé d’être à la fois compréhensif à l’égard de la peine que vit son enfant, et ferme.

Je ne voulais pas tomber dans les explications psychologiques, clichées ou dans le mélodrame. Je voulais raconter cette scène dans un langage accessible, avec les mots justes et d’une manière qui saurait toucher le lecteur.

Puis, tel un cadeau, cette phrase m’est venue : « Un cœur, c’est élastique ». Mon pouls s’est accéléré. Ma gorge s’est nouée. Mes yeux se sont embués. C’était cela ! En tant qu’auteure, cette joie intense que l’on ressent quand on sait qu’on a trouvé les mots précis pour exprimer sa pensée n’a pas de prix !

Quand je relis ce passage, je sais que c’est ainsi que j’aurais aimé pouvoir moi-même expliquer cette réalité à mes enfants quand j’ai été appelée à le faire.

Dès lors, si mon texte peut aider les enfants à comprendre ce que leurs parents peinent à mettre en mots — ou les parents à trouver l’inspiration à travers mon écrit pour exprimer à leurs enfants ce qu’ils vivent —, alors j’aurai réussi une grande partie de ma mission !

Achetez ce livre en cliquant ici !